Printemps Arabe : Obama Va-t-iL Payer La Facture ?
Arnaud Dotezac, Directeur des Rédactions, Market
L’histoire retiendra que George W. Bush pu renverser la dictature irakienne à prix d’or (plus de 3000 milliards de dollars) et que Barak Obama aura préféré l’option low cost des Printemps arabes.
Pour autant les objectifs d’installer une démocratie à l’américaine dans le premier cas et le modèle des Frères musulmans dans le second, sonneront comme des échecs cinglants.
En cause ? L’impréparation abyssale de l’après-renversement, le pari perdant d’un islamisme démocratique et surtout, la trahison des aspirations locales réelles.
Dès lors, la question se pose: Comment fallait-il s’y prendre pour rendre sa liberté au peuple ?
Les chefs d’Etat d’Algérie, du Maroc et de Jordanie tirent leur épingle du jeu moyennant des concessions financières, sociales et parfois politiques (passage à une monarchie constitutionnelle au Maroc). Les monarchies du Golfe doivent aussi lâcher du lest économique pour éviter la contagion, sauf Bahreïn (hôte du QG de la Cinquième flotte américaine), qui fait entrer la troupe saoudienne pour mâter un soulèvement, d’obédience essentiellement chiite il est vrai. Quant à Bachar el-Assad, fort du soutien de la Russie, de l’Iran et dans une moindre mesure de la Chine, il s’engage dans une épreuve de force acharnée avec une rue qui se transmute rapidement en une armée de plusieurs dizaines de milliers de djihadistes étrangers aguerris.1
Les frères musulmans obtiendront le pouvoir à la sortie d’élections libres, conformes aux objectifs des soulèvements, dans trois pays.
Le premier d’entre eux est Abdel-Ilah Ben-kiran, numéro 1 du Parti de la Justice et du Développement (Hizb al-adala wa at-tanmia) qui gouverne le Maroc, chapelet à la main, depuis le 29 novembre 2011. Vient ensuite Hamadi Jebali, numéro 2 du Mouvement de la Renaissance (Harakat en-nahda), connu pour sa volonté d’établir le sixième califat2, et qui sera investi chef du gouvernement tunisien le 23 décembre 2011. En Egypte ce sera Mohammed Morsi, membre sortant du conseil de la guidance des Frères Egyptiens, et président du Parti Liberté et Justice (Hizb al-hurriya wa al-adala), qui sera élu président de la république le 30 juin 2012.
En Libye, les choses seront plus complexes. Les Frères, du Parti pour la Justice et la Construction (Hizb Al-Adala Wal-Bina), viseront bien le pouvoir mais seront débordés sur leur frange islamiste plus extrême. Ils obtiendront néan-moins le siège de vice-premier ministre du gouvernement actuel, attribué à Awadh al-Barassi.
Le Yémen n’aura pas de président issu des frères mais en lot de consolation, l’une des membres de la confrérie, tawakkol karman, obtiendra le prix nobel de la paix collectif 2011. et comme il se doit, elle ira au Qatar chercher la bénédiction du mentor spirituel des Frères, le cheikh Yusuf Al-Qaradawi. Ce dernier lui remettra en personne, le 16 octobre 2011, un exemplaire dédicacé de son manuel de «jurisprudence du jihad», ce qui est en parfaite harmonie avec un prix Nobel de la paix, cela va de soi et ne nuira en rien à sa bonne relation avec Hillary Clinton.
Elle sera également remerciée par celui qui aura donné l’exemple fondateur et légitimant de l’arrivée au pouvoir de la mouvance des Frères: le Premier ministre de Turquie, Recep Tayyip Erdogan. Il lui offrira la nationalité turque.
Pourquoi insister sur cette rafle du printemps par la confrérie, qui accède ainsi au pouvoir avec une force coordonnée? Pour mettre en lumière la coexistence de deux facteurs communs à tout le mouvement :
– une transition politique dominée par un Islam politique prônant l’emprise graduelle de la loi islamique et
– un soutien américain de type low cost.
Objectivement, un tel assortiment ne pouvait être spontané. il s’est produit dans le cadre d’une stratégie construite entre l’administration Obama et la confrérie.
Au vu des premières années de gouvernement, le mantra de la compatibilité de la doctrine des Frères avec ce que l’on entend en Europe par démocratie, a montré ses limites à la fois morales, économiques et militaires. De la même façon, le renversement de despotes à prix cassés, phosphoré par certains think-tanks américains, laisse tout de même une ardoise considérable en termes humains, économiques, politiques ainsi que militaires. Si nous avons choisi de questionner la responsabilité du Président Obama en couverture, c’est parce que toute l’opération remonte à lui.
La fonction des Frères musulmans
Ce n’est pas ici le lieu de refaire une énième fois la description détaillée de l’histoire et de la doctrine de la confrérie, d’autant que ses variantes sont nombreuses et fluctuantes. Nous nous limiterons à la perception que l’administration Obama et la plupart des pays d’Europe, ont souhaité en projeter dans le cadre des Printemps arabes.
Journalistiquement, on a conçu l’idée que les révoltes furent populaires et que les Frères, bien organisés et solidement implantés, avaient su prendre leur chance au vol, pour capter les voix populaires. Politiquement, on a amorti les craintes de leur arrivée au pouvoir par l’exemple de la Turquie, en affirmant que l’islamisme de l’AKP au pouvoir, jumeau doctrinal des Frères d’Egypte, n’était pas si farouche ni exclusif que cela et savait montrer son respect pour la libre expression et la souveraineté populaire, comme l’a montré sa sympathie pour le mouvement de la place Taksim, qui refait surface depuis le 9 septembre dernier.
Sur le premier point, on sait à présent que l’intégration des Frères dans le Printemps arabe s’est faite très en amont. Une telle collaboration n’avait d’ailleurs rien de nouveau. La relation de travail entre les Etats-Unis et la confrérie a certes connu des hauts et des bas mais elle existe au moins depuis la Guerre froide. Des liens opérationnels apparaissent dès 1952 pour déstabiliser Nasser dans son projet nationaliste pan-arabique soutenu par l’Union soviétique. Les Frères sont également sollicités pour sécuriser la relation des Américains avec le jeune royaume saoudien. En 1953, Saïd Ramadan, gendre du fondateur des Frères, Hassan Al Banna et père de Tariq Ramadan, était même accueilli dans le bureau ovale de la Maison Blanche par le président Eisenhower, sous prétexte d’un congrès académique.
Selon l’enquête de Ian Johnson3, le président lui déclara : “notre foi en Dieu devrait nous donner un objectif commun : la lutte contre le communisme et son athéisme”. Après quoi Bob Dreher, un agent de la CIA basé à Munich serait devenu son officier traitant.
Les archives de nos services secrets suisses indiquent que les mêmes raisons ont motivé la délivrance d’un permis de séjour helvétique à Saïd Ramadan en 1967, comme l’a révélé Ian Hamel dans Le Point du 06/07/2011. Les Etats-Unis continuèrent à traiter avec les Frères lors de la guerre sous procuration que fit l’Islam à la Russie en Afghanistan, puis sous l’administration Clinton et lors du second mandat de George W. Bush.
Emile Nakhleh, ancien patron du «Programme d’Analyse Stratégique de l’Islam Politique » (PISAP) au sein de la CIA, nous explique que son service œuvre ouvertement à la promotion de la collaboration avec les Frères, Hamas compris, depuis le début des années 1990, en particulier auprès des parlementaires américains. A Necessary Engagement : Reinventing America’s Relations with the Muslim World, le pamphlet qu’il publia en ce sens en 2009, est un chef-d’œuvre d’ambigüité manipulatoire. Mais il est vrai que c’est le métier d’un officier d’influence. Il y dévoile néanmoins (p. 34) que parmi les contacts réguliers établis avec les Frères (et « Sœurs ») à l’époque, on en compte aujourd’hui un nombre conséquent exerçant au sein du Département d’Rtat, de la Maison Blanche et bien entendu, de la CIA.
Une étude récente de Lorenzo Vidino, chercheur de l’ETHZ (Zurich), sur la relation de l’Occident avec les Frères, après le Printemps arabe4, nous révèle que l’évaluation d’un remplacement de Moubarak par les Frères avait déjà été pensée dès 1995. Mais Moubarak le découvrit, ce qui ne manqua pas de le mettre dans une rage que l’on devine et qu’il confia à la journaliste du New Yorker, Mary Anne Weaver (éd. du 30 janvier 1995, p. 69). Les choses prirent toute leur ampleur avec l’arrivée de Barak Obama au pouvoir. Il fit justement campagne sur un rapprochement avec l’Islam et obtenu son prix Nobel de la paix par anticipation, sur la base d’une telle promesse. On ne peut entrer ici dans le détail des initiatives qu’il a prises en ce sens mais on comprendra que son choix d’imposer à Moubarak la présence de dix représentants officiels des Frères musulmans à son discours du Caire de juin 2009, lequel prônait « un nouveau départ », avait un sens que le raïs avait parfaitement saisi.
Effectivement, on s’affairait déjà en coulisse à former des groupes d’activistes sur le modèle des révolutions Orange et autres, de Serbie, de Géorgie, d’Ukraine, etc, et son mouvement Optor (« Résistance ») signalé par un poing levé.
Derrière le Printemps arabe, on retrouvera la même tactique de résistance individuelle non violente, théorisée par l’ancien colonel US spécialiste des actions clandestines Robert Helvey et Gene Sharp, fondateur de l’Albert Einstein Institution et dont le célèbre manuel De la dictature à la démocratie est disponible gratuitement en ligne, en 25 langues, dont l’arabe.
On y engagera aussi un centre de formation à la déstabilisation des régimes autoritaires: le CANVAS (Center for Applied Non Violent Action and Strategies) installé en Serbie et financé par George Soros (notamment via l’Open Society Institute), ainsi que par John McCain, encore très actif dans l’administration d’un Printemps arabe de plus en plus tempétueux (notamment via son International Republican Institute). Le CANVAS soutiendra le mouvement égyptien Kifaya, lequel soutiendra à son tour le « Mouvement du 6 avril » (dont le logo est le même que celui d’Otpor), nommé ainsi en rapport avec une manifestation égyptienne interdite le 6 avril 2008.
Les Etats-Unis accueillaient déjà les nouvelles recrues du 6 avril à New York du 3 au 5 dé- cembre 2008, soit deux ans avant le Printemps arabe, comme le révèle un document Wikileaks 08CAIRO2572. or, le site officiel des Frères musulmans relayera l’information la même année 2008, ce qui signifie qu’ils en couvraient l’évolution en temps réel5.
Les Etats-Unis offriront pléthore d’autres formations à la cyberdissi- dence, par exemple via l’intendance de l’Alliance of Youth Movements (AYM) et de son site movements.org, soutenus officiellement par Hillary Clinton.
Mais quel est le degré d’implication des Frères au sein de ces équipes de manifestants en gestation ? L’Exemple de l’Academy of Change (AOC) directement gérée par les Frères, nous en donne un aperçu, parmi beau- coup d’autres. L’Hebdo du 25 novembre 2011 l’avait repérée en surface. Le magazine nous disait que la fondation de l’AOC remontait à 2006 à l’initiative de « trois expats égyptiens répartis entre Londres, Vienne et Doha ». Sauf qu’on sait aujourd’hui que l’un d’entre eux n’est autre que Hisham Morsi, le gendre de l’imam Yusuf al-Qaradawi en personne, marié à l’une de ses quatre filles : Aswa al-Qaradawi.
Le site de l’ONG Waging non violence donne de nombreux détails au sujet de l’AOC, tirés d’une enquête approfondie de Reuters. Il dévoile que l’engagement d’Hisham Morsi remonte en fait à 2004 et que déjà en 2005, il organisait des formations à la désobéissance non violente au Caire, en compagnie du groupe Kifaya déjà bien structuré. Nous sommes donc quatre ans avant la Place Tahrir ! Dans leur ouvrage Le Vilain Petit Qatar: Cet ami qui nous veut du mal6 Nicolas Beau et Jacques-Marie Bourget n’hésitent pas à conférer un rôle central à Hisham Morsi, notamment dans le déclenchement des opérations tunisiennes de janvier 2011, sous le contrôle étroit de son beau-père et du pouvoir Qatari.
En approfondissant, on découvre que l’idée du Printemps arabe aurait même pu venir des Frères eux-mêmes, dès l’origine. Des diplomates américains en poste en Tunisie furent en effet sollicités par l’ingénieur américano-tunisien Radwan Masmoudi, ancien membre du bureau politique d’Ennadha (1987), afin de rendre visite dès le mois d’août 2006 à Hamadi Jebali, le futur premier ministre tunisien issu du Printemps. Masmoudi dirige le Centre for the Study of Islam & Democracy (CSID), fondé en 1999 avec l’aide du professeur John Esposito (Georgetown University), et d’Antony Sullivan, tous deux connus pour leurs liens organiques anciens et éprouvés avec les Frères musulmans. Au conseil d’administration du CSID, on trouve d’ailleurs d’éminents Frères musulmans comme Jamal Barzinji et Taha Al-Alwani, fondateurs de l’International Institute of Islamic Thought (IIIT), l’un des principaux think-tanks de la confrérie aux Etats-Unis.
Pas étonnant que l’association soit soutenue par le Département d’Etat américain et le programme « Initiative de partenariat avec le Moyen-Orient » (MEPI), comme le révèle une fiche Wikileaks N°06TUNIS2144.
Masmoudi fut en outre rédacteur en chef de la bien nommée revue Muslim democrat.
Le 9 mai 2011, il organisera une nouvelle rencontre entre Hamadi Jebali et les Américains, à Washington, notamment avec les sénateurs John Kerry et John McCain (encore eux), ainsi qu’avec la directrice du bureau des Affaires du Maghreb au Département d’Etat, Margaret Nardi. Il s’agissait cette fois de caler la bonne stratégie en vue des élections post-printemps.
On ne verra aucun hasard au fait que Radwan Masmoudi ait participé à différents séminaires promouvant la compatibilité de l’Islam des Frères avec la démocratie, notamment avec Emile Nakhleh, l’officier de la CIA spécialement en charge de ce programme déjà cité, comme à Doha en 2012, en compagnie de Rached Gannouchi et Tariq Ramadan.
En résumé : il s’avère que le Printemps arabe a été préparé, que les activistes ont été préalablement formés et financés, que les Frères musulmans ont été impliqués et qu’ils ont contrôlé le mou- vement dès l’origine et au plus haut niveau. Rien de spontané donc.
La question qu’on peut se poser, c’est pourquoi les Etats-Unis ont-ils ainsi fait alliance avec les Frères musulmans et sans doute à la propre requête de ces derniers, dès avant l’élection d’Obama et pourquoi ce dernier a amplifié à ce point cette collaboration ? il y a bien sûr la sensibilité personnelle du président Obama qui déclarait fermement lors de l’Assemblée Générale de l’ONU du 25 septembre 2012: «Le futur ne doit pas appartenir à ceux qui calomnient le prophète de l’Islam ». Mais la réponse la plus commu- nément admise tient plutôt en une phrase: cantonner l’islam radical par l’islam politique, le second étant imaginé comme ayant lui seul, le pouvoir de délégitimer le premier, par l’instauration d’une forme paradoxale de démocratie théologique, aux allures de califat plus ou moins modernisé.
Il s’agit donc d’une stratégie empirique visant, plus sérieusement, à neutra- liser la mouvance Al-Qaïda de l’intérieur, sans pour autant entrer en guerre de religion frontale. Mais pour y arriver, il faut placer l’Islam politique en situation de gouverner. Alors on l’y a placé. On n’allait plus imposer la démocratie au peuple musulman, façon Bush mais on allait imposer les nouveaux théo-démocrates musulmans au peuple. et ce sera ça la grande idée du Printemps arabe initié par Barak Obama.
L’intérêt de ce cas de figure, c’est qu’il n’est plus question d’envoyer la troupe comme en irak ou en Afghanistan. La facture serait beaucoup trop élevée. L’Irak aurait en effet coûté quelque 3400 milliards de dollars au contribuable américain. L’Afghanistan, 500 milliards7. Quoi de mieux alors qu’une série de révoltes low cost, d’inspiration non-violente, financées sur le dos de chaque pays visé et sponsorisées par des alliés idéologiques, comme le Qatar pour prendre un exemple au hasard. Seulement voilà, le principe de réalité de la guerre a d’ores et déjà démenti la validité trop idéalisée d’un tel scénario. la facture économique est lourde, la facture politique encore davantage.
Les couts du Printemps arabe
Les pertes en richesse nationale stricto sensu ont avoisiné les 56 milliards de dollars pour la seule année 2011, sans compter les dépenses militaires et les coûts des troubles sociaux liés à l’islamisation accélérée des sociétés en question. car contrairement au pari américain, l’arrivée des Frères au pouvoir n’a pas jugulé la montée de l’Islam radical, elle l’a libérée.
Parmi les pays qui ont changé de régime, la situation tunisienne est catastrophique. Pour Wided Bouchamaoui, présidente de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) : « Il faut prendre des décisions et des mesures urgentes pour sauver l’économie nationale qui s’écroule »8. La condition de la Libye est telle qu’on ne peut même plus parler de son territoire comme d’un Etat, ni même d’un pays9. On connaît par ailleurs, le retour de manivelle populaire de l’Egypte à l’encontre des Frères. Quant à la Syrie, elle n’en finit plus de s’anéantir dans une guerre qui compte plus de 100 000 morts.
La facture finale
La facture du printemps arabe est extrêmement lourde. Sous couvert d’un vent de liberté branché «réseaux sociaux», les pays visés se retrouvent soit dirigés par des gouvernements clivant l’unité nationale au profit d’une unité religieuse mythifiée (la oumma) et belliciste (Frères musulmans, salafistes), soit dépecés par des milices locales radicales (Libye) ou victimes du djihad pur et simple (Syrie).
Après bientôt trois ans d’instabilité et de conflits, on peut raisonnablement estimer que le signal du lancement de l’opération fut le discours du Caire du Président Obama en 2009. On sait que les choses furent préparées avec grand soin, plusieurs années à l’avance, en faisant le pari aveugle d’une libéralisation des régimes, sur la base d’une redistribution des rapports de force régionaux au profit des Frères musulmans. Ce faisant, on feignait d’oublier que la doctrine fondamentale et fondamentaliste de ces derniers n’a pas varié dans son objectif d’instaurer un système califal, certes économiquement modernisé mais néanmoins ontologiquement anti-démocratique.
En effet, du point de vue islamique, la souveraineté législative des hommes ne peut se substituer à celle de leur Créateur. La seule chose qu’ils aient le droit de faire est de délibérer collectivement et entre musulmans (chura), sur l’application la plus adéquate possible de la norme divine (chari’a). En revanche, ce serait une mécréance majeure (kufr akbar) que de s’extraire du cadre de la chari’a pour légiférer. Or, ce que les Frères musulmans entendent pour démocratie, c’est bien la consultation islamique, la chura…
On a pu également constater un degré d’impréparation abyssal concernant l’après-Kadhafi, ce qui est en train d’engendrer mécaniquement une talibanisation rapide de la Libye, aux portes de l’Europe.
Enfin, l’investissement américano-sunnite dans un nouveau djihad en Syrie a révélé l’incompétence du Président Obama en tant que chef de guerre mais également son amateurisme diplomatique, face à une Russie qui en sort gagnante pour l’instant, après la signature de l’accord de Genève entre John Kerry et Serguei Lavrov, le 14 septembre 2013.
Le Printemps arabe coûtera cher au président nobélisé, en premier lieu au sein de ses propres partisans.
For notes, see original here.
Tunisie
Instabilité politique : 5 gouvernements successifs depuis 2011, toujours pas de constitution, allégeance à des intérêts étrangers (Qatar, communautés des Frères musulmans).
Dégradation économique : déclassement de 51 places en compétitivité (World Economic Forum 2013), déclassement Standard & Poor’s de BB-à B, baisse des investissements directs étrangers (-30% en 2011, +15% en 2012, – 3,3 % s / 7 mois en 2013)10, inflation réelle 13 %, croissance 2011 -1,8%, croissance 2012 +2,4%, 2013 +3,6 % (est.)
Dépendance à l’aide extérieure: Europe/Programme Indicatif National 2011-2012 (390 Ms) ; USA 2012/don ($100 Ms), garantie de crédit ($400 Ms), prêt bonifié ($30 Ms); Qatar/prêt 2012 ($1 Md), prêt 2013 ($29 Ms).
Dégradation des libertés : islamisation sala- fiste, condamnations de blogueurs (Ghazi Beji et Jabeur Mejri / sept ans et demi de prison pour blasphème) et poursuites de cinéastes (Nadia El Fani)
Dégradation sociale: chômage 18%, grèves, afflux de réfugiés libyens (200 000), 100 000 abandons de scolarité (2012 / 2103).
Dégradation sanitaire : réapparition du palu- disme, de la tuberculose, de la fièvre typhoïde et de la rage. Contamination des eaux (ferme- ture d’un complexe hôtelier de 1000 touristes àDjerbale11/09/2013).
Insécurité: assassinats politiques (députés laïcs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi), pillages, évasions de prisons, début de djihad par infiltrations étrangères (combats meurtriers au mont Châambi) et enrôlements djihadistes massifs vers la Syrie.
Libye
Coût de l’opération UNIFIED PROTECTOR (OTAN)11 : USA/$2 Mds, F$491 Ms, UK/$333 Ms, Italie $150 Ms.
Désintégration politique : 4 gouvernements successifs sans contrôle effectif sur le terri- toire, semi-autonomie du bloc islamiste radical de Misrata en conflit avec la tribu Zintan (Berbère), loi « d’isolement politique » (5 mai 2013, un texte soutenu par les islamistes, Frères compris, voté sous la menace des armes au sein du parlement, qui évince automatiquement du pouvoir et du service public, toute personne ayant appartenu à l’ancien régime de Kadhafi).
Dégradation économique: PIB 2011 – 61%, PIB 2012 + 108%.
Production pétrolière: fermetures et sabotages des oléoducs depuis le printemps 2013, chute de la production à 200 000 bpj (août 2013) contre 1,4 million bpj (2012)12, ventes sauvages depuis la Cyrénaïque (80 % des réserves) ; en 2013, la Libye devient importateur de pétrole.
Actifs à l’étranger: $70 Mds (fonds souverains), $150 Mds (fonds gelés en 2011).
Coût de la reconstruction: $200 Mds.
Dépendance à l’aide extérieure : Aide Europe / 150 Ms (ECHO), aide US. / $7,6 Ms (2012-2013).
Insécurité : développement endémique des katiba (groupes autonomes ayant puisé dans les arsenaux Kadhafiens et sécessionnistes pour certains), corruption, assassinats ciblés quotidiens, chantages, contrebandes massives, multiplication des attentats (Croix-Rouge, amb. & cons. US, F, UK, Tunisie).
Djihadisation: reflux massif d’Al-Qaïda et autres groupes islamistes armés depuis l’intervention française au Mali, plaque tournante de l’armement pour le djihad en Syrie, acheminé par le Qatar, création du « bouclier libyen » par les Frères musulmans comme milice parallèle.
Egypt
Instabilitépolitique: renversementdurégime des Frères par la foule et l’armée, soutenue par l’Arabie saoudite (3 / 07 / 2013), attente d’élections présidentielles pour début 2014.
Dégradation économique: chute du tourisme qui compte pour 7à10% duPIB/perte de 4,7 millions de visiteurs; chute des réserves de change, chute de la croissance à 2 % en 2013 contre 5,1 % en 2010, explosion de la dette publique à $250 Mds (80% du PIB), fermeture de 4500 entreprises, fuite de capitaux, chute de 56 % des investissements directs étrangers, refus de souscrire au prêt FMI de $4,8 Mds pour des raisons religieuses (interdiction du prêt à intérêts) durant le gouvernement Morsi, baisse des recettes du canal de Suez, inflation 2013 / 13 % (est. FMI).
Dépendance à l’aide extérieure (2013) : USA / $1,5 Mds, Arabie saoudite-Koweit-Émirats/$12 Mds, Europe/$6,7 Ms (sous condition du prêt FMI), Qatar/$2Mds, Turquie/$500Ms.
Corruption : Qatar / $7,5 Ms attribués personnellement aux cadres des Frères musulmans.
Dégradation des libertés : dégradation de la liberté d’association sous le régime Morsi, atteinte aux droits des femmes, attaques contre les autres religions (hausse en flèche des persécutions contre les coptes, antisé- mitisme d’État).
Dégradation sociale : 20 % de chômage réel, 22% des Égyptiens ont un revenu inférieur à $2/jour, 44% de personnes sous le seuil de pauvreté en milieu rural.
Dégradation sanitaire : pénurie alimentaire
Insécurité: djihadisation du Sinaï, évasions des prisons, pillages d’arsenaux, apparition de groupes d’autodéfense armés.
Coût de la violence: 2012/$35 Mds13.
Syrie
La Syrie a basculé dans une véritable écono- mie de guerre, dont le nombre de combattants étrangers ne permet plus de la qualifier de «civile». Le coût de la guerre pour 2011-2012 seulement, est estimé à $84 Mds, plus $40 Mds supplémentaires pour le seul premier trimestre 2013.
Instabilité politique : découpage ethnico-religieux du pouvoir, autonomie en marche des régions kurdes.
Dégradation économique : récession de 35 % vs croissance de 6 % avant-guerre, 35 % d’inflation, apparition d’économies de prédation régionales (recyclage des pillages, rançonnements, contrebandes, corruption), épuisement des réserves de change ($18Mds avant-guerre), extinction du tourisme.
Production pétrolière : chute de 380000 bpj à 20000 bpj (perte nette: $13 Mds).
Dépendance à l’aide extérieure : Iran / Irak $10 Mds, Russie/$20 Mds en investissements directs.
Dégradation des libertés : situation de guerre extrême, imposition forcée de la loi islamique radicale en zones rebelles, attaques des minorités chrétiennes.
Dégradation sociale : chômage 60%, 19% de la population vit sous le seuil de pauvreté ; 2 millions de réfugiés et 4,5 millions de déplacés 14 intérieurs; 1,2 million d’habitations détruites, 9 000 bâtiments publics détruits; près de 2500 écoles détruites ($5,7 Mds).
Dégradation sanitaire : augmentation de 51% du taux de mortalité (2012), 43% des hôpitaux hors service, des dizaines de médecins et personnels médicaux tués en service, 75 % du réseau pharmaceutique anéanti, environ 100000 morts et 400000 blessés directs liées à la guerre (ratio de 4 blessés pour 1 mort).
Insécurité : situation de guerre, viols, rapts, tortures, violation des droits de l’Homme par toutes les parties.